[TERMINÉ] Bon plan =D[Prio Gun]

En arrivant à l'interrupteur, tout près de la porte d'entrée de la loge, Gun jeta un rapide regard par-dessus son épaule, se présentant à lui même sous son meilleur profil à l'aide des miroirs du fond. Il eut un petit sifflement ravi, réajustant le collet de son chandail de scène se balançant sur une hanche et relevant le menton, sur un sourire ravageur.
— « Hmm, not too shabby ♫ ♥ »

C'est qu'il avait fière allure, avec son nouvel accessoire ~ Il se permit un tour sur lui-même, puis un autre, se croyant sous les projecteurs, enchaînant posture ridicule par posture ridicule. Il éclata de rire, tapota la tête de son dragon, tourna la poignée de la porte d'une main, ferma l'interrupteur de l'autre et poussa, en silence, le son de sa fuite couvert par la musique de la scène. Dans le corridor des coulisses, personne. Mais cela ne l'empêcha pas de se coller le dos brusquement contre le mur, les mains reposant contre sa surface, se coulant avec le plus (ou le moins) de discrétion possible, se dirigeant à petits coups vers la porte de la loge commune au bout, et qui était entrouverte.

Il entra.

Personne ! La loge commune avait six miroirs, six comptoirs, trois sofas et le triple de vêtements et de costumes éparpillés un peu partout, autant dans la penderie qu'au sol. Devant le vide de la pièce, Gun porta sa main sur sa poitrine, poussant un petit soupir de soulagement, ravi d'avoir pu se rendre aussi loin sans être pincé. C'est qu'il était sensé être sur la scène, lui aussi...

Must've all went to the bar, il lança à son petit compagnon.

Enfin prêt à quitter les lieux, le blond s'admira dans les miroirs, observant sa nouvelle parure qui semblait lui aller à la perfection. Ils sortirent de la loge en douce, comme deux espions en mission secrète, cherchant à éviter tout âme qui vive. Heureusement pour eux, ils ne croisèrent personne sur leur chemin. Comme s'il pouvait aider l'autre à se cacher, Acelin se fit le plus petit possible dans le cou de l'homme. Un peu perplexe cependant, il attendit de se trouver dans l'autre pièce pour questionner le blond:

- Do you really need to hide all that much?

La pièce où ils étaient entrés était beaucoup plus grande que la précédente et semblait contenir bien des vêtements divers. Que d'autres se soient rendus au bar, d'accord, mais en quoi était-ce si important?

Sa majesté s'interrogea quant à ses précautions:
— « Do you really need to hide all that much?

Ce qui suscita un rire chez son comparse:
— Ha hah! Naw, il remua la main, but it's more fun this way ♫ »

Et bien qu'il n'y ait personne dans la loge, l'artiste pencha son dos, releva ses épaules et jeta un regard circulaire aux alentours, mesurant ses pas, surveillant le moindre changement dans l'air. En entendant un son (ce n'était qu'un technicien d'éclairage qui marchait dans le corridor) Gun se colla brusquement sur le mur perpendiculaire à la porte d'entrée commune, gonflant le torse et retenant sa respiration.

Par entrebâillement de la porte, on put voir une ombre lentement se déplacer dans le corridor. Gun pencha sa tête, l'ombre se stoppa soudain et l'incube se tassa d'un seul coup dans son angle mort, un sourire fendu jusqu'aux oreilles. L'ombre fit mine de tourner la tête (c'était une forme humanoïde), avant de passer à côté comme si de rien n'était. Gun échappa un soupir, portant sa main aux cheveux de son front, venant octroyer le dragon d'une caresse au passage. Il lui lança un regard par-dessus son épaule, les yeux pétillant d'excitation:

— ...See ? ♥

En fin de compte, toutes ces simagrées ne servaient qu'au bon plaisir de celui qui se prétendait son serviteur. Jouant le jeu sans insister, le dragon se plaqua contre son mode de transport pour lui laisser le loisir de bouger à son aise, gardant ses anneaux suffisamment détendus pour n'être aucune entrave. Lorsque la personne du couloir fit mine de tourner la tête, il retint son souffle, son petit cœur battant rapidement sous le stress qu'il s'imposait de lui-même. Et s'il était forcé de partir parce qu'il était entré sans autorisation?

Heureusement pour lui et le blond, la personne ne les remarqua pas et dans le soulagement de l'autre, il reçut une autre caresse qui lui permit de mieux accepter le rôle qu'il pouvait avoir. Ils étaient en mission secrète et devaient éviter tout contact avec l'ennemi. Ils allaient devoir jouer de patience, attendre le bon moment pour éviter d'entrer dans le champs de vision des sentinelles qu'il y aurait certainement sur leur chemin. Leurs efforts ne devaient pas être vains, ils devaient atteindre le point de sauvegarde avant d'être repérés. Le regard du dragon se durcit, pris d'un faux-sérieux qui dénotait son bon-vouloir et ajouta:

- Alright, let's dive into ennemy territory.~

Le dragon fut vite gagné du même enthousiasme que son comparse. Il détendit ses anneaux, se dressa lorsque Gun se colla au mur, et retint son souffle en même temps que lui lorsque la mystérieuse ombre passa devant l'entre-bâillement de la porte. S'il n'avait pas été aussi plongé dans son rôle, Gunthaer aurait étouffé un fou-rire, son entrain se ravivant comme sa majesté daignait se prêter à son jeu:

— « Alright, (il fit, feignant le sérieux) let's dive into enemy territory.~
— Roger that ~ »

Il traversa la loge de deux ou trois longs pas, s'assurant de tourner sur lui-même afin de garder un visuel sur l'étendue de la pièce, avant de poser la main sur la poignée derrière, qui menait cuisines - et au bout des cuisines, une porte menait à l'arrière du comptoir du bar. En passant par là, il pouvait ainsi s'éviter de traverser la scène, ou se faire repérer au sous-sol, près des attablés - et s'y faire reconnaître. Alors autant prendre un shortcut ! Gun tourna la poignée, et poussa la porte, en y collant le dos, le fumet des cuisines du Miroir d'Aphrodite lui montant aux narines.

Les cuisines étaient franchement plus pratiques qu'esthétiques. Quelques comptoirs en métal lisse permettaient à ceux qui avaient une chambre de se préparer à manger, un grand lavabo servant à laver la vaisselle que les clients devaient salir lorsque le Miroir était ouvert. La salle semblait divisée en trois. Le fond, avec le lavabo et un grand comptoir où s'entassaient déjà plusieurs verres, le comptoir du milieu, au dessus duquel pendaient quelques poêlons et casseroles accompagnées de leurs ustensiles, pendues par le manche à coté et la partie de la cuisine qui était le plus près du bar.

Près de la porte menant au bar se trouvaient plusieurs réfrigérateurs. Deux sur la gauche, contenant diverses sandwich et amuse-gueules pour les clients, deux autres de l'autre coté contenant majoritairement des sacs de glace pour les boissons qui étaient servis. Les bouteilles d'alcool de surplus étaient entreposées sur des étagères le long du mur, certaines cachées sous le comptoir du milieu, dans un espace apparemment prévu à cet effet.

Le tout éclairé par des néons industriel si crus qu'ils rendaient l'endroit affreusement impersonnel, ce qui était normal bien entendu, ils étaient à l'intérieur d'un lieu publique. Les effluves d'alcool étaient prédominantes, mais le dragon percevait également l'odeur de transpiration de certains clients, celle, plus étrange d'incarnations qui n'avaient rien d'humanoïdes et plein d'autres petits détails auxquels il ne souhaitait pas s'attarder.

Toujours bien installé, il attendit de voir par où irait bien se cacher le blond, mais surtout, où diable trouverait-il une cachette adéquate dans un lieu si bien éclairé. Cette pièce allait être la plus difficile de tout le parcours, ils allaient devoir redoubler de vigilance et se faire l'ombre de leurs ennemis.

La porte de la loge commune s'ouvrit sur la cuisine, et avec elle, ses différentes odeurs et sa chaleur vint envelopper le démon dans un état semi-conscient, se laissant bercer par le confort. Il secoua sa tête, referma la porte, ne prit même pas le temps de faire un repérage des lieux qu'il plongea derrière le premier comptoir devant, à la dérobée des regards. Lentement, sa tête se leva jusqu'au coin de la surface, et il scruta la pièce, à l'affût.

Non-loin d'eux, il pouvait ressentir la presque totale absence de chaleur de la tuyauterie d'un lavabo, au dessus, la chaleur que diffusait les néons industriels et au centre, la chaleur qui émanait des petits plats qui venaient tout juste d'être faits. Il entendit une voix familière s'élever depuis le bout de la pièce - plus particulièrement, au delà des cuisines, vers la porte battante menant au comptoir principal du bar - et l'air se mouva lorsque la porte s'ouvrit, avec elle le bar-back, qui vint prendre l’assiette et tourna le dos à la cuisine sans demander son reste. Les pupilles dilatées d'intérêt, le démon contint un petit ricanement, traduit par un sourire fendu jusqu'aux oreilles, s'avançant presque à quatre pattes, avec son comparse dans le cou, afin de se diriger vers un autre comptoir. Au compte de six, ceux-ci étaient mis à disposition des patrons des chambres de l'étage, et ils étaient désertés pour le moment.

Gun leva lentement sa semelle du sol, qui se décolla en silence. Arrivé au coin, il roula sur son épaule, se redressant. Il répéta la manœuvre une, ou deux fois, étouffant un petit gloussement de fou-rire ce-faisant, avant de tourner ses yeux rieurs vers son accessoires.

« Ih hih! This is fun! ♥ »
Un nouveau battant de la porte le fit se tapir au sol, les yeux écarquillés et hagards, allant même jusqu'à couper sa respiration. Quelqu'un venait d'entrer.

Une fois entrés dans les cuisines, les choses devinrent presque sérieuses. Les cabrioles de l'autre forcèrent le dragon à suivre, ses mouvements fluides s'adaptant aux pirouettes que son comparse s'amusait à faire. La première personne qui entra dans la pièce ne se rendit compte de rien et ils poursuivirent leur chemin, se rendant presque à la porte de sortie avant qu'un autre individu ne pénètre dans la pièce.

Aussitôt, Acelin se glissa dans le dos de l'autre pour se cacher. Il valait mieux que ce soit l'autre qui se retrouve face à un membre du personnel, peut-être qu'ainsi il ne se ferait pas jeter dehors. Terrifié à l'idée de se retrouver seul dehors par une température aussi froide, il demeura immobile dans le dos de l'autre, tentant de contrôler sa peur.

Et la personne qui venait d'entrer se dirigea vers leur comptoir. Comment il savait ? Depuis le plancher, Gun entendait l'écho de chacun de ses pas. Ils résonnaient jusqu'au bout de ses doigts, accroissant la tension plus ils se rapprochaient - et Gunthaer était exalté.

Il se sentait comme en chasse, la pupille dans ses yeux s'étant dilatée d'intérêt, profitant des mouvements agréables dans son dos sous ses vêtements pour légèrement s'éloigner sur le côté, à quatre pattes. Mais tandis qu'il s'éloignait, comptant sur son subterfuge, une voix l'interpella d'en haut.

— « Jeager, qu'est-ce que tu fais. »
C'était peut-être une réflexion à voix haute. Du genre, Jeager, qu'est-ce que tu ne fais pas sur la scène ? Alors il joua la carte de la prudence, sans sortir de sa cachette, se reculant à nouveau, le pied inaudible.

— « Je te vois derrière ce comptoir, tu sais. »
Gun serra les dents.

— « Lève-toi. »

Il consentit, se redressant sur les semelles de ses souliers d'un rebond, profitant de sa couverture ratée pour brosser ses cheveux de la main.
— « What, can't a guy sneak around without it being suspicious ?
— Non.
Gun le lui accorda, hochant la tête.
— ...Touché. »

Il posa sa paume sur le comptoir, et Gilles posa la sienne, chacun de son côté.
— « Tu peux me dire ce que tu fabriques ?
— ...
Ne pas lui dire pour le dragon. Ne pas lui dire pour la doublure... Ne rien lui dire.
— Well what does it look like I'm doing ~ ?
— Tu fuis la scène pour aller consommer une amourette.
Gun, feignant d'être touché.
— Why, I would never !...
— Quoi qu'il en soit, ne vient pas faire ça dans la cuisine. Il y a des chambres pour ça. »

Gun posa ses deux avant bras sur le comptoir, se penchant, remuant le bassin pour tenter de signaler Ace de sortir de sa cachette bientôt.
— « ...You know the more you forbid me, the more it makes it thrilling when I actually do it, right? ♥
Gilles grimaça.
— Ne m'dit pas que tu as déjà--
et Gun en poursuivant, tentant de distraire l'attention du Barman en pointant un des comptoirs proche de la porte battante, au bout de la pièce.
— This one, waaay over there and... (Et celui à côté, posant sa joue dans sa main.) Oooh, especially this one ♥ »

Il était foutu. Il reconnaissait la voix de l'homme qui les avait découverts et il paniquait à l'idée de se retrouver seul dans le froid. Avec l'hiver qui approchait, il allait mourir s'il ne pouvait pas se réfugier quelque part au chaud. Caché, il sentait chaque mouvement que l'autre faisait et dut se rendre à l'évidence: Il allait devoir sortir et affronter la sentence...ou pas. Il devait tenter de s'échapper.

Silencieusement, le plus discrètement possible, il se coula vers le sol, misant sur sa petite taille et sur l'attention que portait l'autre au blond pour réussir à aller se cacher ailleurs. Il glissa donc sur le sol un instant avant de se placer derrière Gilles pour léviter jusqu'au néon qui servait se lumière pour se cacher entre le plafond et le néon. Là-haut, il tremblait. Il ne voulait pas se retrouver dehors, il ne voulait pas faire face à la colère de l'homme.

— « Bordel -- » s'énerva le barman en portant sa paume à son visage, comme pour essuyer son embarras. Gun se tortilla légèrement sous les mouvements du dragon, se mordant la lèvre pour s'interdire tout éclat de voix, continuant de jouer le jeu.

— « Don't worryyy, we always clean up when we're done ! ♥ Gun baissa les yeux vers le petit dragon, qui serpenta au sol avec discrétion, avant d'aller contourner le soulier de Gilles.
— Tu me caches quelque chose. fit ce-dernier en se retournant vers le démon, qui lui renvoya le sourire d'un ange:
— ...Well, most of the time, anyway ~
— --Gun !

Et ce-dernier éclata de rire, d'autant plus lorsqu'il vit son comparse se soulever dans les airs lentement, derrière le barman. Il ne le suivit pas des yeux, préférant fermer ses paupières et se cacher du regard de fauve que lui lançait la panthère. Car si Gilles était un gros matou avec ses clients, il devenait une panthère sans pitié une fois qu'il s'énervait. Ace était allé se cacher dans les ombres derrière le support d'un néon, au plafond, et Gun put rendre les armes afin de tempérer leur fauve.

— « Come onnn, lighten up! I'm just playing !
— Ughh, je perd mon temps. » Et Gilles s'éloigna vers le frigo du mur, pour l'ouvrir et se sortir un sandwhich déjà préparé. Trouvant là sa victoire, Gun se coucha à moitié sur son comptoir, prenant ses aises.

— « Busy night tonight ?
— Tu parles. Avec mon artiste qui se tire de la scène après l'entracte, sa doublure qui disparaît presque en même temps, et un barback qui a rendu sa démission, j'ai l'impression de travailler tout seul.
Gun poussa un petit soupir.
— Heyy, c'mon. That new Barback's competent, at least!
Gilles fronça les sourcils.
— Tu. te. tais. Je refuse que tu l'amènes lui aussi!
Le démon retrouva l'ampleur de son sourire.
— It'd show you what it really means to be alone ~ »

Gilles roula sa main à en poing. Il le posa sur le comptoir, et son avant bras, rapprochant son visage de l'incube qui eut comme un tressaut, ne s'attendant pas à autant de proximité de sa part.
— « On va faire un marché.
Un marché avec un démon?
— I'm listening ~?
— Si tu le laisses travailler, je te laisse sortir sans embrouilles.
Il grommela, détournant le regard un instant.
— Toi et ton... (jetant un coup d’œil au plafond) invité. »

Une fois bien caché, Acelin observa discrètement les deux hommes. Ils semblaient se disputer à coups de sous-entendus et de menaces voilées. Apparemment, il était dans les habitudes de l'artiste de quitter son poste et dans celles des employés du miroir d'être incompétents. Il ne comprenait pas vraiment les enjeux ou les raisons qui poussaient à cette joute verbale, mais ils finirent par s'entendre. Lorsque Gilles leva les yeux vers sa cachette, Ace sentit son cœur rater un battement et il se figea, incapable de sortir de là, incapable de même détourner le regard de la menace qu'il percevait.

Il frissonnait malgré le néon sous lui, tremblait malgré la température tout à fait acceptable de la pièce. Il ne pouvait rester que parce que l'autre était suffisamment malin pour faire un marché. Ses petites pattes le lâchèrent et il se retrouva sur le ventre, toujours sur entre le néon et le plafond.

On ne la faisait pas, à Gilles. Il fallait dire que travailler dans un Bar mixte (ouvert aux Humains et au Incarnations) accentuait ses sens. S'il était suffisamment en forme pour repérer une dispute avant qu'elle n'éclate, et la contrôler, il était suffisamment alerte pour avoir vu, dans un reflet du comptoir, le petit dragon-impérial léviter derrière lui.

— « ... Alors comment il s'appelle?
L'incube retint un rire, avant de hausser les épaules, penaud. Aucune idée. Il s'était contenté de l'appeler sa Majesté depuis le début. Gilles poussa un soupir, se grattant la barbe. Mais bien sûr...

Il leva le nez vers Acelyn.
— Comment tu t'appelles ? »

Si au début, on l'ignora, Gilles finit pourtant pas lui adresser la parole directement. Il avait l'impression qu'il allait mourir à l'instant, mais il prit le pas sur sa peur et redescendit misérablement de sa cachette. Il posa son regard aussi doré que ses écailles sur l'homme, sa peur visible dans la rigidité de ses mouvements, mais aussi dans ses yeux. Il se présenta, faisant l'effort de parler français avec lui.

- Je me nomme Acelin.

Sa voix, bien que ferme et assurée, laissait transparaître son appréhension. Une seule phrase aurait suffit à le forcer à partir et il en était conscient. Sous sa petite taille et son évidente crainte de l'autre se cachait pourtant sa prestance et sa politesse. Il était un dragon impérial malgré la société moderne.

En voyant la petite tête se pointer derrière le néon, les traits durs de Gilles s'adoucirent, soulagé de savoir qu'il n'aurait pas à forcer l'invité de Gun à descendre. Il l'aurait fait - après tout, Personne ne dérogeait au protocole.

— « Je me nomme Acelin.
— Acelin. (Il hocha la tête.) Rassure-toi, je ne vais pas te mettre à la porte, Acelin.

Les gros sourcils de Gilles se froncèrent.
— Mais, j'veux plus te voir au Sous-sol. Les clients brassent beaucoup d'air et j'ai pas envie de lire dans le journal qu'un dragon a été écrasé dans mon bar.

Il ronfla des narines.
— C'est pas bon pour les affaires.

Il le pointa de l'index, lui accordant toute son attention, oublieux du démon qui rêvassait, à côté.
— Je me suis bien fait comprendre ? »

Aussitôt dévoilé, l'autre lui accorda toute son attention, rendant le petit dragon mal à l'aise à un point atroce, son petit cœur battant à toute vitesse. Il soutint son regard, ses tremblements passant presque inaperçus puisqu'il lévitait au niveau des yeux de Gilles.

Il l'écouta le sermonner et acquiesça en silence. Il n'était pas un si mauvais bougre après tout, mais il se sentait toujours intimidé par l'homme. Il détestait se sentir aussi faible et insignifiant. Il le remercia tout de même, soulagé de ne pas avoir à passer la nuit dehors:

- Merci. J'aurais eu du mal avec ce froid dehors.

Un triste sourire s'afficha sur ses traits fatigués et il baissa les yeux vers le sol, allant se poser sur le comptoir.

De son côté, Gun n'avait tendu qu'une oreille suite à leur échange, bien trop distrait par ses pensées qui se bousculaient dans sa tête, avec l'image d'un barback, pressé dans un complet noir et blanc, lui servant un verre, le suivant à sa chambre... Il eut un frisson, se rendant compte qu'il avait déjà porté ses doigts à sa bouche, une part de lui se souvenant vaguement d'un marché. Ah oui, le dragon.

— « Merci. fit ce-dernier, s'effaçant un peu. J'aurais eu du mal avec ce froid dehors.

Gilles sourcilla légèrement, suivant des yeux le dragon qui se décrocha des airs pour se poser contre le comptoir, tout juste devant l'artiste. La tendresse qu'il lit dans les yeux de ce-dernier ne fit que multiplier ses questions.

— C'est un automne californien ! gloussa le barman, un peu interdit. Qu'est-ce qui a de froid là dedans!
— Hey. Don't patronize his highness. »

Le barman se moqua un peu de ses paroles, ne réalisant probablement pas que pour un reptile, une température frôlant le 0 pouvait être mortelle. Si de jour, il faisait relativement chaud, les nuits quand à elles étaient beaucoup plus froides. Sans se vexer de l'opinion de l'autre, il précisa:

- Pour un humain, ce n'est pas froid. Pour un reptile, les températures froides qui sévissent de nuit peuvent être mortelles.

Il leva les yeux pour rencontrer ceux de Gilles, ajoutant:

- Et comme le miroir est le seul établissement à être à la fois ouvert aux incarnations et ouvert toute la nuit...

— « ... O-oh ... » Lâcha Gilles, penaud. C'est vrai qu'en plus d'être largement plus petit que lui, Acelyn était un reptile, et par conséquent, sa tolérance au froid était diamétralement opposée à la sienne. Un peu embarrassé, il se gratta l'arrière de la tête, prenant une bouchée de son sandwhich, comme pour se forcer à se taire. Gun prit l'opportunité pour ramener les choses à l'ordre:

— « About that deal, Gilles... il lâcha, glissant ses doigts sous le menton de son pauvre dragon, histoire d'alléger ses tensions et lui faire oublier sa peur de tantôt.

— ...Vous aviez l'intention de sortir par le bar, c'est ça ?
Gun pencha sa tête.
— If he follows me on his own, that doesn't technically count as me taking him away, right~?
Gilles grommela et prit une autre bouchée.
— « Gun...
— The devil is in the details, luv ♥
— Bon sang... »

Il se gratta la tête avec plus de vigueur, prenant quelques bouchées nerveuses, avant de s'exclamer, la bouche pleine. Il déglutit:
— « Je pourrais lui dire d'aller servir les tables pendant que vous sortez...!

Gun ne le regardait même plus, les yeux tournés vers Acelyn.
—« That'd would do. We only need to get upstairs unnoticed.
— Bon, alors marché conclu.
— Seal it with a kiss ♥
Gilles se recula. Puis leva les yeux au plafond, l'air peu amène.
— Tu vas pas lâcher l'affaire, hein...
— Nope! ♥ »

Le barman se pencha, et effleura à peine les lèvres de l'artiste, avant de reculer, grommelant dans sa barbe.
— « Tiens. Je vais m'en occuper. »

Et il s'éloigna, enfournant le reste de son sandwich dans sa bouche, traversant la moitié de la pièce qui lui restait avant d'atteindre la porte battante, qui menait au bar. Pendant ce temps, Gun se pencha vers sa majesté, posant ses lèvres sur sa tête.
— « Hop on, your Highness~! »

Face à ses explications, Gilles se trouva un peu embarrassé. Le dragon quand à lui ne lui en voulait aucunement. L'artiste se permit un contact qui parvint à distraire le petit dragon qui les écouta à demi régler les termes de leur marché. C'était à croire que l'autre ne tenait ses promesses que sous contrats...scellés d'un baiser? Les yeux d'Acelin s'agrandirent lorsqu'il se rendit compte de ce qui venait de se dérouler sous ses yeux. Cet espèce de grand matou en charge du bar l'avait vraiment -bien que brièvement - embrassé!? Il allait devoir faire attention à ce qu'il promettait à ce blond...

Bientôt, le blond reporta son attention sur lui, un baiser sur sa tête le faisant clore les yeux une seconde avant qu'il n'obtempère et ne monte sur l'autre. De là, il pourrait être en sécurité s'ils devaient effectivement passer par le bar. Il préférait définitivement la présence de l'artiste à la solitude de se retrouver face à Gilles. Heureux de ne pas avoir eut à défendre sa présence de lui-même, il remercia l'autre sans précisions:

- Thanks.

— « Thanks, lui fit sa Majesté, maintenant qu'elle avait retrouvé sa place sur ses épaules. Gun vint lui frotter le dessous du menton du bout de son doigt, contournant le pied du comptoir d'un pas léger pour suivre le barman dans ses pas, vers le bout de la cuisine.
— « You know, il ronronna à son petit camarade, you're starting to sound awfully grateful for a King ~ »

Il n'avait pas à le remercier autant ! Il était son vassal, c'était donc la moindre des choses de respecter ses souhaits, non ? Il eut un discret petit sourire, lui relevant la tête d'une main en poussant la porte battante de l'autre.
— « No need to be so formal, my liege. I'm only bringing you to my room, after all ~ »
Et la fin de sa phrase fut happée, car aussitôt sorti de la cuisine, la chanson, le tintement des verres et les voix des clients s'élevèrent dans un espèce de mur de décibels qui fit légèrement plisser les yeux du démon (quant à savoir si c'était du régal ou du dédain...) et affûter le sourire à ses lèvres. Au delà du comptoir du bar, il vit Gilles en bas des marches menant aux tables près de la scène, et il vit son Barback, et il les vit s'échanger quelques mots. Gun détourna le regard : par ordre du pacte, il n'avait pas le droit de soudoyer ce Barback-là à les accompagner.

Aussi il se fit discret, ne saluant même pas les pauvres fêtards assit au comptoir, et les contourna, se dirigeant d'un pas feutré vers les escaliers qui menaient au hall d'entrée. Il jeta néanmoins un regard par-dessus son épaule, poussant un petit soupir, déçu qu'on lui ait interdit lui, un démon de la tentation, de tenter.

Bah. Il y avait mieux. Il tapota la tête de son invité une dernière fois et monta les escaliers, s'échappant des effluves d'alcool, de viande fumée, de parfum et de sueur à chaque marche, pour retrouver la sobre odeur de cire des parquets du hall. Son pas résonna contre le plancher, puis se réverbéra au travers de la cage d'escaliers qui menaient à l'étage, avant de se faire étouffer par le tapis duveté du corridor devant les chambres... Direction la sienne, comme promis.

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