>> Eilwen aimait beaucoup l'Aquarium, pour des raisons évidentes.

La jeune fille avait stoppé sa promenade dans un tunnel qui laissait voir, tout autour, une multitude de poissons tropicaux, tous plus colorés les uns que les autres. Ils évoluaient dans l'eau tiède, faisant scintiller leurs écailles jaunes, roses, oranges, verts ou bleus. Des coraux, non moins bigarrés, tapissaient le sol de leur prison de verre, plantés sur des rochers ou du sable blanc. Eilwen suivait des yeux leurs mouvements furtifs, tantôt gracieux et tantôt brusques, ses yeux ne perdant pas une miette du spectacle. Un groupe de poissons jaunes et bleus passèrent alors au dessus du plafond du tunnel et l'incarnation suivit leur trajectoire, les rejoignant de l'autre côté du tunnel.

Elle avait déjà pêché, étant plus jeune, mais n'avais jamais été très douée. Ses essais, durant les quelques semaines qu'elle avait passé en tant que chaton dans la forêt, s'étaient tous révélés infructueux. Elle n'en aimait pas moins le poisson, et ne refusait jamais une boîte de thon. Mais ce qui la fascinait aussi, ici, c'était les couleurs et les mouvements, qui la captivaient aussi facilement qu'un pointeur laser. Et puis tout était calme ici, il n'y avait pas beaucoup de monde. Certes, cela n'allait pas tarder, car avec le printemps, puis l'été, débarqueraient des hordes de touristes braillards et à la peau rougie pas le soleil. Au moins, elle aurait du boulot ses talents de polyglottes étant réclamés lors des visites.
Mais pour l'instant le calme régnait, dans cette atmosphère feutrés et assourdie, propre à ce genre de lieux. La lumière bleue rendait ses cheveux argentés, et reposait ses yeux sensibles. Appréciant cette ambiance apaisante, Eilwen fit quelques pas vers la vitre du tunnel, son nez en effleurant la surface, suivant les tribulations d'un groupe de poissons-clown, lorsqu'un bruit infime lui fit tourner la tête.

La moquette étouffait les sons, mais pas complètement, et elle perçut l'odeur de l'autre visiteur avant même qu'il fasse son apparition.

>> Ce fut une femme qui fit son apparition. Eilwen l(observa à la dérobée, curieuse. Il y avait quelque chose chez cette inconnue... Peut-être son odeur, ou la façon dont elle semblait à sa place au milieu des poissons, par sa façon de bouger... Eilwen n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Mais si elle était sous forme féline à cet instant, elle apparaitrait probablement immobile, oreilles dressées et yeux écarquillés. Au lieu de cela, elle se contenta de fixer avec beaucoup d'attention la nouvelle-venue, inconsciente de son impolitesse. Mais peut-être l'autre était-elle habituée à se faire dévisager, avec ce physique plus qu'avantageux qui était le sien. Elle avait une belle peau qui brillait d'un éclat bleuté à la lumière de l'aquarium, des cheveux brun-roux et une paire de jambes interminables. Elle faisait quasiment la même taille qu'Eilwen, à un ou deux centimètres près surement, mais c'était leur seul point commun.

L'autre femme lui jeta un bref coup d’œil, puis decida de l'ignorer et s'absorba dans la contemplation de l'eau, suivant des yeux un requin qui passait par là. Eilwen choisit de ne pas s'en offusquer et la contourna pour aller regarder les poissons de l'autre côté, mais s'arrêta non loin pour pouvoir l'observer du coin de l’œil.
Ce fut le moment que choisit son estomac, surement stimulé par la vue de toute cette boustifaille, choisit pour lâcher un gargouillis plutôt sonore. Eilwen trépigna sur place et jeta un regard rempli d'envie à un banc de petits poissons argentés qui se mouvait juste sous son nez, hors d'atteinte, de l'autre côté du verre épais. Finalement, n'y tenant plus -et un peu pour se changer l'esprit et le détourner de son met favoris- elle se tourna pour faire face à l'autre visiteur.

-C'est mieux quand ça ne grouille pas d'enfants qui crient ici...

Une conversation lui éviterait d'être trop frustrée. Peut-être.