L'homme se massa rapidement une paupière, fatigué. Cela faisait pourtant des années qu'il n'avait plus d'horaires de sommeil. Il n'en avait jamais eu, pour autant qu'il s'en souvenait. Mais ce genre de choses ne l'empêchait pas d'être un être humain avec ses coups de mous momentanés. Il avait passé la nuit à régler un problème de kraken. La pendule au mur indiquait 7:32. Il songea à la paperasse qui l'attendait encore sur son bureau à BadStories et aux rapports qui devaient encore s'y empiler. Les bruits des clients du café, sa douce température et la lumière qui se voulait chaleureuse et conviviale l'abrutissaient doucement/ Il réagit en sautant presque sur ses pieds pour aller se chercher un café peu plus savoureux que celui offert au bureau. Il tendit sa main dorénavant libérée de sa mitaine, où de nouvelles cicatrices se perdaient parmi les plus anciennes lorsqu'une autre main, longue et blanche, soignée, eut la même idée.
Excuse me, bougonna le malotru avant de relever la tête pour trouver l'archiviste laborieuse.
You ? Again ?! ria-t-il à demi en lui laissant galamment la priorité.

Elle lui sourit un peu en le reconnaissant.
I don't follow you, if it can makes you feel better ~
Il eut un mouvement très bref, comme une ride sur l'eau, qui pouvait correspondre chez lui à un petit sourire. Quelque chose de positif en tout cas. Encore heureux qu'elle ne le suive pas ! Le traqueur traqué, ça aurait été le pompon ! Il avait à peine digéré d'avoir été "victime" d'un pickpocket il y avait déjà un moment de cela, alors si en plus il devait découvrir qu'il était prit en filature par une jeune femme, aussi mignonne soit-elle.
Il la laissa choisir sa boisson sans regarder, et ne revint vers la machine que lorsque l'Archiviste s'en éloigna. Sans grande délibération, il choisit le café le plus fort, au vu de son état. Il avait besoin d'un truc pour le réveiller, coûte que coûte. Il sentait de temps à autre que l'Archiviste le regardait brièvement et finit par lui jeter un regard en biais, juste au moment où elle se dissimulait derrière son grand gobelet pour prendre une gorgée de café brûlant.
Rien de mieux pour commencer une journée ...
A qui le dites-vous ! soupira-t-il avec un sourire, dans la langue où elle semblait le plus à l'aise, puisqu'elle revenait au français dès qu'elle en avait l'occasion. Elle faisait très probablement partie de ses habitants de la ville californienne d'expression d'abord francophone. Que serions-nous sans café ...

Et sur ces mots pseudo-philosophiques, dignes surtout d'un insomniaque -ah, wait, c'était son état actuel- son café fut servi. Ayant lui aussi envie de discuter un peu, surtout avec cette jeune femme dont la compagnie ne lui était pas désagréable, il demanda nonchalamment, au moment où il prenait son gobelet.
Vous avez quelques minutes ?

Il eut une vague expression de satisfaction, moins tendu qu'à l'habitude. Et bien quoi ? Même les plus féroces molosses ont leur moment où ils se détendent et se montrent presque amicaux !
Après vous. Monsieur ... ?
Ah, of course, fit-il en s'avançant vers la table où ils s’installeraient. Une pas trop mauvaise table. Quoique lorsqu'il venait ici, les rares fois où ils venait ici plutôt, il s'installait ailleurs, ayant comme tout être vivant ses préférences. Une table offrant une vue d'ensemble sur la boutique, dans un coin à la luminosité parfaite. Où bien par ici, pas trop loin de la fenêtre, avec cette angle si particulier qui permettait d'observer discrètement la rue. Wh- Où est mon éducation ? Je suis Arelan MacDuncan. Enchanté. Je n'ai pas eu l'occasion de vous demander votre nom lors de ... notre dernière rencontre.
Et sur ces bonnes paroles, il attendit qu'elle s'assit avec un regard interrogateur.

Le café était bien meilleur ici qu'à l'entreprise, où Arelan tombait le plus souvent sur une sorte de jus de chaussette qui réveillait les employés qui avaient le malheur de le boire autant par son mauvais goût que par sa caféine, si ce n'était plus par son mauvais goût. Face à lui, la jeune archiviste ne se formalisa pas de son oubli.

Ne vous inquiétez pas, le travail passe avant tout. lui sourit-elle
La bonne mentalité ! Entre cette simple phrase et la qualité de l'ouvrage qu'il avait pu observer, le Phantom était de plus en plus certain d'être tombé sur une sorte de perle au sein des rangs des archivistes. Une perle dont beaucoup, et pas seulement au sein des archivistes, devraient probablement s'inspirer ... pour autant que son instinct soit bon.
Moi, c'est Icelynn Fridhilde. Enchantée également.
Aislin ? Une scandinave ? Il tourna et retourna son nom dans sa tête. Malheureusement, les archivistes passaient souvent à la trappe; car aussi importants et surveillés qu'ils étaient, ils restaient bien moins importants que leurs supérieurs ... et que les Incarnations. Et par conséquent, Arelan devant bien finir par devoir faire un choix dans les informations à garder ou non en mémoire, le nom de ses charmants scribes-grattes-papiers lui échappait bien souvent. C'était à peine s'il daignait faire l'effort de les mémoriser. Être capable de reconnaître leurs faces pour éviter que n'importe qui ne pénètre dans la Grande Bibliothèque lui suffisait amplement. Néanmoins, il se promit de faire l'effort de se souvenir un peu mieux d'elle. Ne serait-ce que pour son potentiel.

Il garda son regard incisif braqué sur elle, dissequant ses gestes et jusqu'à la moindre de ses mimiques. Leur regards se croisèrent donc un instant. Elle avait des yeux très particuliers, d'un bleu très pâle, avec une pupille ... anormale. Claire. Trop claire. Elle ne semblait pas souffrir de cataracte pourtant. Elle semblait voir parfaitement, sans être inquiétée par les bruits qui auraient normalement perturbé toute personne malvoyante. Il serait même allé jusqu'à dire qu'elle semblait trop calme. Arelan n'était pas le genre de personne avec qui on se sent naturellement à l'aise, et pourtant, elle semblait curieuse.

Les Incarnations ne vous on pas mené la vie trop dure, depuis notre dernière rencontre ?

Sa voix, son ton, son expression trahissaient son jeune âge, et un peu de candeur curieuse. Une candeur pataude de jeune femme n'ayant pas quitté l'adolescence depuis très longtemps. Il se fendit d'un très bref et très discret sourire qui détonait de son image de grand méchant.
Hah. Pas beaucoup plus que d'habitude, j'imagine.
Il avait du n'avoir qu'un maigre quart d'heure de repos en 24h, sans compter cette pause, mais ce n'était pas exceptionnel. Il poursuivit de sa voix rendue encore un peu plus rauque de fatigue, où son français se teintait encore d'un accent irlando-américain qu'il tentait de réduire, sentant directement que sa maigre réponse ne satisferait pas l'archiviste. Il préférait orienter la discussion sur certains axes plutôt que d'attendre qu'Icelynn ne pose une question de trop.
Son ton devint plus joyeux alors qu'il parlait d'un sujet qui certes pas sous le secret total, ne serraient pas donné au grand public, principalement pour ne pas "donner de la confiture aux cochons", c'est à dire au premier idiot venu. heureusement, Icelynn avait tout l'air d'être une jeune fille femme intelligente, qui comprendrait le sujet.
Mais les dernières recherches amélioreront probablement notre travail fit-il enthousiaste, avant de poursuivre sur les différents résultats des alchimistes et autres pseudo-scientifiques qui amélioreraient son travail, leur travail.

Ils continuèrent un moment de discuter, ou plutôt de parler énergiquement des recherches sur les Incarnations. Il craint d'abord d'avoir à faire à une blondasse bien dressée de plus, comme ces secrétaires tous sourires capable seulement de causer du tord autour d'elle, le genre de femme qu'il voyait passer devant lui tous les jours, les genre de femme qu'avait été Sarah, toujours les mêmes putains.
Mais les réponses de la blondinette, son ton, tout en elle indiquait toujours une calme candeur niaise, un enthousiasme franc et enfantin. De plus, elle ne semblait pas complètement stupide, réussissant même à rebondir sur certaines informations pour en donner d'autres, ou donner son propre avis. Très plaisante. Même physiquement. Soit elle était une excellente et écœurante actrice -une de plus- soit elle était tout bonnement charmante, jusqu'à en être suspecte.

C'est sûre. J'imagine qu'il s'agit là d'un des avantages de nos professions. Et j'imagine qu'assez peu de personnes peuvent se vanter de travailler, et de vivre, dans un environnement ... fantastique tel que le nôtre dit-il en voyant entrer, derrière la jeune Fridhilde un satyre à l'épais manteau molletonné vert kaki et l'écharpe de tartan crème, noire et rouge, dont les sabots marquèrent l'entrée de façon sonore alors qu'il se plaçait en bout de file d'attente.
Malheureusement, alors qu'il levait son gobelet pour le vider, Arelan vit à nouveau l'horloge. Le temps avait filé et il était grand temps qu'il l'imite et retourne travailler.
Mpf ! Il va falloir que je vous laisse, du travail m'attend s'excusa-t-il en se levant à la va-vite pour repartir avant de s'arrêter...
You might actually help me. Pourriez-vous me sortir les dossiers "Elvio Fuchs" , "Baruch Smith" , "Nicholas -ou Nick- Howard" ainsi que "Boris Koulechov" da,s la matinée ? Ah, et les rapports concernant l'enquête sur le trafic de Bluestrike dans une durée ... de deux mois.

Ce serait un petit test pour voir si la qualité de son travail était réellement à la hauteur de ce qu'il avait vu jusqu'ici. De plus, il gagnerait peut-être un peu de temps. Plutôt bénèf' pour lui ...